En ces temps de confinement, à plusieurs, parfois à plusieurs générations, dans de petits espaces, ça ne marche plus, et même si nous pouvons aller à l’extérieur, notre périmètre est délimité et restreint, alors ça ne marche pas beaucoup! De fait, pratiquer la méditation assise s’en trouve facilité, peut-être, mais n’oublions pas que méditer est une attitude d’esprit, de présence à ce qui est, d’accueil de ce qui se passe en même temps qu’accueillir ce qui accueille. Et cela quelque soit la situation.
Même si on a un espace extérieur réduit, contacter l’espace à l’intérieur de soi devient une exploration de première nécessité. Trop de proximité génère des agacements, de l’oppression, l’impression qu’on a du mal à respirer, le sommeil en est affecté, on devient de plus en plus critique envers soi, les autres. On peut se sentir menacé, que la vie est trop injuste, s’inquiéter du futur, céder aux peurs, aux angoisses. Plus rien ne marche comme avant. On a trop de et/ou pas assez de. Nos sources de plaisir se sont taries ou finissent par l’être. Ce qui n’est pas un mal, à la réflexion. On connaissait peut-être déjà ces états d’agitation mais on ne les avait pas vraiment regardé pour cause d’enfermement à l’extérieur. Maintenant que l’on est enfermé dedans, que faire? Sauf que dedans, il y a la possibilité d’aller encore plus dedans et d’en ressortir plus spacieux, contacter l’espace que nous sommes et qui contient tous nos enfermements sans être lui-même enfermé. Drôle de formulation, il n’y a plus qu’à apprécier le paradoxe, lâcher la tête et se lever. Se lever, se mettre debout, s’étirer de toute son immensité, sentir ses pieds, sa colonne vertébrale, tendre ses muscles à fond, les relâcher tout aussi à fond. Tester un pied sur l’autre, équilibre/déséquilibre. Marcher sur place et avancer si on peut. Sentir l’espace autour de soi. Lever les jambes et les bras à l’opposé, toucher ses pieds de la même façon. Faire quelques exercices visant à stimuler ce bien aimé cerveau, qu’il ne parte pas trop vite en lambeaux. Des exercices comme d’inverser les polarités, cela prend quelques minutes. Quand on lève le bras droit, on lève en même temps la jambe gauche, par exemple, vous avez compris le principe?
Surtout n’oubliez pas de bien respirer. Toucher les différents points du corps où nous sentons les effets de la respiration. Si nous pouvons aller dehors, ouvrir une fenêtre au moins, très bien, sinon vous adaptez à votre situation. L’essentiel est de faire quelques pas en avant, lentement, le plus lentement possible, les mains réunies sur le diaphragme. Marcher le regard posé dans l’espace comme si nous étions déjà arrivé. Marcher dans l’instant, dans l’ouvert, sans autre but que de laisser la marche se faire, se dérouler. Si nous pensons à un tigre qui marche, il ne se regarde pas marcher, il est tout entier dans l’acte, en pleine beauté. Lorsque nous nous oublions et laissons la marche se produire alors nous ressentons une grande liberté et une paix enracinée entre terre et ciel. Marcher sans laisser de traces. Quand on lève une jambe, on peut nommer son appartenance au ciel, à l’espace et quand on pose un pied sur le sol, nommer son appartenance à la terre, à la bonté fondamentale de la terre là sous nos pieds qui nous soutient. Il n’y a aucun romantisme là dedans juste le bon sens des sensations, en direct et en direction de l’instant. L’esprit conscient avec lequel nous marchons dans l’espace de l’esprit naturel est tout aussi important que l’exercice physique en train de se faire. Comme nous commençons à bien le comprendre en ces temps de confinement qui se prolongent, la conception que l’extérieur est une réalité indépendante et triomphante à conquérir et contrôler, et l’intérieur un invisible a-social pour des mystiques paresseux sans avenir, est fortement bouleversée. Vous pouvez aussi laisser votre diaphragme décompressé et rire à gorge déployée, un exercice yogique de détente absolue. Surtout ne vous limitez pas, vous pouvez bien entendu explorer d’autres façons de faire, marcher à reculons est intéressant, faire des objets des étapes à contourner, se tracer un parcours. Ou marcher de côté comme un crabe. Innover, tenter, faites vous plaisir. Aucune tradition ne s’est appropriée une façon de marcher vous demandant une autorisation pour l’accomplir, et si oui tant pis, renégats que nous sommes, nous nous en passerons!
Faites des pauses – O mental suspends ton agitation – O temps suspends tes divisions – souriez puis repartez – Marcher en étant déjà arrivé nous libère de la pression qui nous a habitué à marcher pour aller quelque part. Le quelque part, le but étant plus important, on en oublie comment on y va, les pas et l’esprit de chacun de ces pas. C’est ainsi que l’esprit pré-occupé galope en avant, nous dissociant toujours plus du corps. Et quand on bouge le corps, on oublie qu’il vit dans l’espace de l’esprit. Saccadées, séparées, compartimentées, nos actions sont faites pour satisfaire des images de nous-mêmes. Rien de mal à cela, mais c’est épuisant, à long terme. Ou que l’on soit on peut réapprendre cette tranquillité de l’alignement, de l’adhésion à l’instant. Et des occasions, il y en a quand même. Lorsque nous sortons pour aller faire quelques courses autorisées, souriez vous êtes filmés, en ces temps de conditions pandémiques, finalement nous sommes obligés de tenir une distance, et ainsi d’être plus conscient de soi, des autres, de l’environnement, et d’apprendre à avancer à pas de fourmi. Une seule fourmi avec un gros sac à dos pour toute une tribu. Nous pouvons faire de cette expérience une appréciation de notre condition, debout et noble, entre terre et ciel, seul-e et avec les autres. Oui je sais c’est lourd et c’est flippant tout ça, bon allez ne te retourne qu’en toi, totalement ouvert à tes sens et tu verras, des fois ça marche pas, mais des fois ça marche!
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