Dans l’état naturel sans fabrication, voir voit, entendre entend, sentir sent etc. V
oir se fond dans ce qu’il voit, entendre se fond dans ce qu’il entend. Il n’y a pas de séparation. Dans cette non séparation, il n’y a pas non plus de préférence. Entendre ne refuse pas l’orage ni ne le choisit particulièrement. Sentir ne refuse pas l’odeur qui se présente et ne choisit pas seulement ce qui sent bon. Dans cet état primordial et spontané rien n’est refusé. Le grésillement de l’ego ne s’est pas encore fait entendre. Qui choisit? Qui préfère? C’est l’identité séparée qui s’érige en saisie. Voir, entendre, sentir, etc. n’ont pas besoin de “moi” pour que cela ait lieu. Juste voir, juste sentir, juste entendre, juste goûter, etc est toujours là, même avec le flottement de mes états d’âme, de mes bavardages, ou de ce que je considère comme mes problèmes. Avec la séparation commencent les j’aime/j’aime pas, ceci /pas cela, oui/non et d’autres slash. Le rajout qui génère la cohorte de tous les rajouts c’est la notion de “moi”. Moi se nourrit de croyances, de l’énergie de la division. La souffrance est d’abord la souffrance de croire à ce “moi”. De là viennent les doutes, les fuites, les préférences, les angoisses et finalement toute l’expérience psychique habituelle.
Certes il ne s’agit pas d’accuser l’ego de tous les maux, la vie a des hauts et des bas, il ne s’agit pas de le nier. Mais nous pouvons apprendre à questionner ces têtes de serpents de l’ego qui ressuscitent régulièrement, dans un sentiment même de continuité, les identités douloureuses persistantes.
En soi ce n’est pas un problème non plus et si nous avons besoin d’aller regarder de plus près ce qui souffre et ses causes pour nous en libérer nous pouvons le faire, bien sûr. Mais surtout il s ‘agit de ne pas renforcer cette illusion en le faisant, car c’est le risque. Car l’origine, la racine de tous les problèmes est précisément cette illusion que nous ne remettons que rarement en question.
Nous pouvons regarder avant que l’ego ne soit – avant qu’il ne pointe son nez pour commencer à tout compliquer. Ce que nous sommes véritablement n’a pas de forme ni de séparation. Cela ne nous empêche pas d’aimer les formes si nous le souhaitons, de leur rendre hommage mais en sachant ce qu’elles sont réellement. Si nous solidifions un peu nous le savons. Sinon nous nous attachons au monde dans lequel nous sommes comme à un monde de formes, séduisants mais jamais satisfaisant. Par la méditation nous retournons en nous-même pour voir l’expérience de juste voir – juste entendre – juste sentir, etc.
Se connaître est précisément l’inconnaissance car il n’y a personne à connaître. Se connaître soi est connaître ce que nous ne sommes pas. Cela peut nous occuper voire nous égarer ou nous faire entrer dans un cercle de frustration car nous cherchons quelque chose qui n’existe pas ou traquons les problèmes avec ce qui est précisément le problème : moi.
Bon, je vous laisse digérer et relire tout cela à tête reposée. Bonne fête et bon dimanche à toutes les mamans qui, bien que n’existant pas, sont à l’origine de tous les bouddhas.
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