Dans différentes traditions, on utilise la récitation de mantras. Certains sont très connus, comme la syllabe OM (qu’on prononce AUM) ou comme le mantra de Tchenrézi, le bouddha de la compassion, dans le bouddhisme tibétain, Om mani pémé houng.
Certaines questions me sont souvent posées comme : un mantra est-il quelque chose de secret? est-il spécifiquement donné à une personne? est-il magique? qui peut nous en donner un?
La fonction du mantra est de substituer à la parole ordinaire, habituelle qui se focalise sur le sens des mots. Les mantras sont des sons vides de sens, et qui de fait apaisent la discursivité mentale. Le mantra, d’une certaine façon, utilise l’énergie du mouvement, du discours intérieur habituel pour laisser résonner une ou des syllabes avec lesquelles nous pouvons commencer à nous harmoniser, puisque nous ne sommes plus fascinés par la logique de la compréhension ou de la réflexion. Il y a donc un effet apaisant du fait de lâcher ce qui en général constitue une tension, le discours intérieur incessant.
Un mantra contient plusieurs dimensions. Il y a cette protection du discours mental par la récitation d’un son vide comme nous venons de l’expliquer. D’autre part, ces sons nous ont été légués par d’autres avant nous qui les ont pratiqués, en ce sens ils nous relient à ceux qui nous ont précédés et sont en quelque sorte porteurs de leur influence bénéfique, de la puissance de leur pratique sur plusieurs générations. Ils sont imprégnés d’énergie et parfois en les récitant nous pouvons sentir leur effet vibratoire, leur force de reliaison.
Néanmoins, ce qui compte avant tout dans la récitation d’un mantra est l’intention avec laquelle on le dit. Comme dans toutes les pratiques, l’intention, la motivation sont au coeur. En ce sens, il n’y a pas de mantra donné spécifiquement qui agirait comme une magie extérieure à celui ou celle qui le récite. Mais en récitant, vous faites vivre et pouvez être sous le charme du mantra, de sa musicalité, de sa puissance ancestrale. Car le mantra est plus proche du chant que de la parole signifiante ou rationnelle, qui a son utilité par ailleurs, évidemment.
Dans le bouddhisme tibétain, les mantras sont, la plupart du temps, liés à des pratiques particulières qui demandent une introduction et un enseignement pour pénétrer leur sens profond, ainsi qu’une relation à une personne qui peut nous en transmettre le coeur et nous guider dans leur pratique régulière. Les mantras, en amont de leur récitation, peuvent aussi d’ailleurs faire l’objet d’un éclairage symbolique. Celui-ci va toujours à l’essentiel et est susceptible de s’approfondir à travers l’expérience de la méditation. Dans le cas de pratiques de divinités, les mantras sont associés au nom (souvent en sanscrit) de celles-ci. C’est comme appeler quelqu’un par son nom pour l’invoquer, le faire venir, être présent.
Bien que les mantras puissent être différents dans leur utilisation et effets, ils ont tous une même fonction, celle de nous rendre sensible à l’énergie de la parole éveillée et ainsi découvrir une nouvelle expérience de relation à l’être de langage que nous sommes.
Un mantra peut se réciter partout où nous avons besoin de cette protection du discours mental, partout où nous avons besoin de nous relier à une dimension d’être plus vaste, partout où nous voulons faire des souhaits en connexion directe avec des qualités bénéfiques pour les êtres, humains ou autres. En récitant des mantras, nous retrouvons un usage archétypal et sacré du langage, en lien avec le chant, la psalmodie, l’imprégnation inconsciente de vibrations qui s’harmonisent en nous. Comme le langage des oiseaux, le mantra nous met en contact avec une dimension plus universelle et naturelle que simplement humaine, nous met en résonance avec une parole d’énergie, libre des contraintes du discours habituel.
Cette parole libre de sens et riche de sonorités fait résonner tous les mondes à l’unisson du coeur dont l’intention est la non souffrance pour tous les êtres.
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