Méditer est une expérience de reliaison. A quoi se relier? à l’instant présent – à ce corps qui est chant de sensations – à cet environnement auquel on s’accorde dans la tranquillité de l’assise – au rythme de sa respiration lente et profonde – à l’ouverture possible où ont lieu toutes les connexions – à nous-même qui sommes connexion dans ce grand champ du vivant.
Se relier est libérer en nous un espace – faire de la place – accueillir, ce qui veut dire cesser de lutter – de se faire la guerre – de se maltraiter – de résister à ce qui est. Méditer est se poser en s’offrant une pause par rapport à nos habitudes quotidiennes et automatiques – choisir délibérément de se donner du temps, de se faire le cadeau d’une pause – se mettre en retrait de ses activités – devenir soi-même un îlot de silence et de clarté au milieu de l’agitation du monde et de l’agitation du mental.
Se poser et tourner son regard à l’intérieur de soi afin de prendre contact avec son monde intérieur. Qu’y découvre-t-on? un monde agité bousculé de pensées qui s’enchaînent, d’émotions qui se bousculent, de croyances qui veulent s’imposer. Bien difficile de réguler toute cette circulation intérieure chaotique, tellement dense qu’elle nous fatigue physiquement, physiologiquement, émotionnellement. Plus que nos occupations qui peuvent bien sûr nous fatiguer aussi, ce sont surtout nos préoccupations qui nous éreintent. Tout ce bruit à l’intérieur pour rien!
Habituellement, nous fusionnons avec cette agitation-confusion, au point que nous ne nous rendons même pas compte que nous pensons ni à quoi nous pensons, nous nous sentons simplement submergé, angoissé, déprimé. Nous ressentons plus ou moins fortement sous la surface que quelque chose n’est pas d’aplomb, que nous sommes désynchronisés, désaccordés. Cela se traduit par de l’angoisse diffuse, un mal-être palpable mais confus, ça ne va pas mais on ne sait pas quoi.
Méditer est observer sans juger ni chercher à changer quoi que ce soit. Il suffit juste de mettre sous l’éclairage intense de la conscience dégagée ce qui est là, ce qui est déjà là. Car lorsque nous observons, nous prenons conscience que nous observons ce qui était déjà là avant cette observation. Nous voyons alors que cela pense sans cesse en nous. Nous sommes témoins de la pensée qui se voit penser, de la conscience consciente d’elle-même et de ses processus.
Si nous restons à observer alors nous aurons une vision plus dégagée pour prendre conscience des processus intérieurs qui se déroulent d’ailleurs sans “moi.” Nous aurons moins d’attachement à ces processus, pensées ou autres et laisseront aller avec bienveillance. Nous serons plus clair et centré, moins déstabilisé, capable d’accueillir sans résistance. Comme si nous étions assis sur la rive à regarder le courant d’une rivière qui charrie toutes sortes d’objets, des feuilles, des branches, des choses que nous reconnaissons d’autres pas. Peu importe, juste observer et rester libre.
Car les pensées ne sont que des pensées, inconsistantes, transitoires, comme des nuages dans le ciel. Lorsque nous ressentons l’espace que crée l’observation alors la pensée devient plus distante, plus étrangère. Nous la discernons mieux, nous en repérons la nature éphémère, et la laissons être dans le flux.
Ce n’est qu’une pensée et pourtant habituellement elle a un immense pouvoir sur moi, me fait agir, réagir, tourner en rond. Nous avons tendance à croire ce que nous pensons. Or même la pensée d’être quelqu’un d’incapable par exemple ne fait pas de moi une personne incapable. Ce n’est qu’une pensée. Nous pouvons l’identifier comme telle. Mais si nous adhérons à celle-ci et la nourrissons quotidiennement de notre attention alors elle aura assurément un effet sur nous qui se traduira dans nos comportements, nos réactions et relations. C’est ainsi que la méditation aborde notre monde intérieur, ne pas penser, réfléchir, analyser mais juste observer. C’est le point de bascule du changement, de la sortie du mal-être. Se poser, se relier au corps, aux sensations, observer tout en étant dans le ressenti.
Il ne s’agit pas d’observer au sens d’être un témoin indifférent mais de permettre à l’espace de nous montrer les choses autrement. Même une émotion difficile, désagréable peut être accueillie dans cet espace de conscience claire. Nous pouvons la laisser être face à nous, en étant à l’écoute des tonalités affectives de celle-ci, à travers nos sensations. Pas besoin de chercher pourquoi cette émotion etc. Juste être présent.e – être en réceptivité sans réactivité nous aidera à mieux nous connaître d’une façon très directe, très expérientielle – plutôt que d’être sans cesse à la recherche d’explications. Surtout rappelons nous, une pensée n’est qu’une pensée, par essence sa nature est celle d’un nuage dans le ciel ouvert de l’esprit, alors assis dans l’espace regarde les nuages de tes pensées danser dans le ciel, apparaître et disparaître et cela sans cesse. Comment un nuage pourrait-il troubler l’espace du ciel? Comment une simple pensée pourrait-elle avoir autant de pouvoir sur toi sans la saisie qui la rend irrésistible et maître de ton esprit, sans l’accord de ton ignorance?
Rappelle-toi, nous sommes plus vastes que nos pensées.
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