À force de regarder à la dérobée les petits gestes pauvres et simples du quotidien elle avait vu quelque chose. Quoi? elle n’en disait rien car les mots étaient comme de petits biscuits fondant dans la chaleur brune du café –
il était difficile de saisir et de définir ce qui était par essence insaisissable et indéfinissable – cependant à partir du moment où elle avait vu tout avait basculé – succédant au déchirement l’éblouissement avait montré sa face de soleil blanc – un soleil blanc habillé de silence comme deux bouches qui s’embrassent dans l’ombre de l’été –
ce qu’elle avait vu était au fond de ses yeux et si l’on y regardait bien alors on pouvait entr’apercevoir des aubes nouvelles en émergence – on se sentait contaminé par la joie lumineuse et intime qui fait se sentir vivant et entendre le monde vous parler – à travers l’air et le vent la pluie et les eaux profondes la terre et ses matières le feu et ses ondées on était inondé par la grâce du monde qui nous avait touché à la première minute où nous étions nés – était-ce un flocon de neige sur le nez ou être vu dans la douceur du printemps ? – et ne renaissions nous pas à chaque instant? à cette nouvelle le cœur s’ouvrait irrésistiblement comme deux bouches étreignant leur lumière dans la pénombre d’un salon –
après tout le réel ne se laissait peut être regarder qu’à travers son évidence dérobée – dérobée à la petite cuillère cognant le bord d’une tasse à la mesure de la farine tombée en pluie dans le bol à la pomme de terre mise en bière dans le four allumé – ces petites choses si anodines dans la minutie que leur langue éveillait le bonheur d’être et d’acquiescer – fut-ce même à un seul jour sur la terre –
A force de regarder les petits gestes simples et précis elle avait vu quelque chose comme un arbre pousser en elle – le feuillu le terreux l’aérien le spacieux et le flamboyant ramifiaient leur chaos en fougères de lumière – l’œuf bondissant de ses paupières berçait le monde comme un petit enfant – tout s’animait à l’ordre de la tendresse tel deux bouches qui s’embrasent à la luette d’un inspir – toute vie est renaissance à l’éphémère de la mort – tout était parti sauf la bonté de ses yeux –
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