Tout le monde croit que tout le monde perçoit la même réalité. Ce thème est parti d’une interrogation que nous avions avec un ami : est-ce que les informations qui transitent sur facebook sont réellement partagées par un grand nombre ou finalement c’est beaucoup de bruit pour rien dans de petites sphères qui se croient l’ensemble ?
Il y a un consensus qui fait tourner les échanges : c’est évident tu es d’accord avec moi, avec ma perception de la réalité. Style : tu as vu comme le monde va mal? – c’est la crise (bien qu’on n’en parle plus trop comme ça vous avez remarqué?) – le monde est en train d’évoluer en conscience de plus en plus – le monde court à sa perte avec tous ces financiers qui nous manipulent à tout va – et le changement climatique? etc.
Forcément si vous vous intéressez à l’élévation de la conscience c’est ce que vous allez dire. Si vous êtes sensibles aux animaux sur la banquise ce sera votre pôle d’intérêt principal, etc. Tout le monde cherche la validation de ce qu’il croit en fonction de ses intérêts propres qui ne sont pas forcément ceux des autres – intérêts et aussi expérience que les systèmes font de leurs propres croyances. En soi ce n’est pas un problème, le problème est de généraliser et d’amplifier.
Certes nous percevons tous, en tant qu’humains, grosso modo le même environnement, le même décor. Si nous allons boire un coup dans un café, il y a les tables, les chaises, les verres etc. L’expérience que je fais n’est pas uniquement celle du décor mais surtout ce que je ressens de ce décor – et cela peut varier considérablement selon que je bois un verre pour fêter mon anniversaire ou que je le bois après l’enterrement d’un ami cher. Alors que le décor n’a pas changé. Vous allez me dire c’est évident – oui vous le savez peut-être intellectuellement mais justement ne validez pas cela aussi rapidement – ressentez-le dans vos tripes.
Nous ne sommes pas des lieux communs ou alors les lieux communs de toutes les douleurs. Et c’est précisément ce que nous évitons de ressentir avec nos idées. Mais les idées ne peuvent remplacer l’expérience de se laisser agiter au fond de soi par toutes les formes de vie en souffrance.
L’expérience que je fais me renvoie à ce que je ressens en moi qui est dépendant de mon propre système. Ce que nous voyons n’est pas la même information. On pense que tout le monde pense la même chose parce que nous ne voyons que le décor et négligeons ce qui est ressenti dans ce décor – la conclusion est que tout le monde devrait, dans telle ou telle situation, ressentir ceci ou cela déjà validé – mais par qui?
Tout le monde doit être indigné, scandalisé par les mêmes événements ou situations, c’est bien évident, et si vous ne l’êtes pas vous vous excluez de la bande d’humanoïdes qui distribuent les bons points. Penser par soi-même dans ce cas ou innover n’est nullement souhaité voire même impossible. Tout est lénifié, aseptisé, prêt-à-pensé.
Sur ces trames de consensus qui ne sont souvent que des formatages sociaux, pas facile d’être nous-même. Si quelqu’un vit au fin fond des bois sans télé il est évident que pour lui la plupart des problèmes qui paraissent faire l’unanimité n’entre pas dans son champ de perception ni d’interrogation. C’est donc lui le problème car le consensus est évident : tout le monde est au courant et choqué des mêmes choses sinon tu n’es pas normal.
La plupart du temps ce sont des mots, des étiquettes, des opinions, créés et manipulés par le fait de ne pas accepter la différence ou d’avoir besoin de râler – c’est là une autre opinion partagée, surtout râle sinon tu n’existes pas – ou encore d’avoir raison. Les jeux de pouvoir sont déjà faits alors que tout est à inventer dans l’espace de l’ici et maintenant. Nous tuons dans l’œuf un potentiel de renouvellement cellulaire à l’indice vibratoire multidimensionnel. Voyez moi aussi j’ai mes dadas.
Il nous est difficile d’accepter dans notre bonne conscience que quelqu’un ne soit pas affecté ou impacté par les mêmes choses que nous. Cette tendance à oublier que nos systèmes sont différents fait basculer dans l’adhésion à une uniformité du vécu décrétée par un ensemble invisible – de là à crier au complot il n’y a pas loin!
Comment créer du neuf si nous ne faisons que valider ce qui est conventionnellement admis ou répandu comme étant la façon d’être de tout le monde? Si nous revenons à nous et explorons réellement le monde de la sensation nous pourrons percevoir des subtilités au-delà des idées émises toutes faites. Si j’ai eu une enfance violente et de privation, je n’aurai pas les mêmes ressentis ni perceptions qu’un enfant qui a été choyé et élevé dans l’aisance. Nous le savons peut-être intellectuellement mais nous l’oublions dans le flot d’informations reçues qui nous ramènent à : toi aussi adhère à cela car tu ne peux échapper au tout le monde du moment. Et encore ce n’est pas si simple que cette situation d’enfance : nous sommes des mondes dans des mondes. Mais ça c’est une autre histoire on pourra en parler autour d’un verre si vous voulez.
Dans ce contexte, penser par soi-même, faire confiance à son propre ressenti, rester ouvert, devient difficile. Nous sommes pris dans le filet des idées qui font beaucoup de bruit. Et pourtant nous avons bien besoin de sortir des clous comme des enfants à la désobéissance éclairée.
Bon dimanche de : tout le monde aime les frites et déteste manger du chien. Allez ne râlez pas!
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