L’image de la graine et du jardinier est une métaphore bien connue des personnes qui suivent un chemin de transformation, quel qu’il soit. Notre jardin aujourd’hui, notre vie, est l’état des lieux des graines que nous y avons semées et qui ont poussé. Graines de souffrance, graines de guérison, graines d’abondance, graines de mensonge, graines d’illusion, graines de sagesse, etc. toutes sortes de graines ont donné de mauvaises herbes ou de beaux fruits. Nous n’allons pas reprocher à un jardin d’être un jardin. Nous savons que tout y est utile et en interaction constante et que détruire un aspect qui nous déplaît pour des raisons de sacrifice à l’esthétique ou à l’avis des voisins serait une erreur monumentale. Car nous aurions négligé l’éco-système de l’endroit et croyant nous débarrasser de nuisibles ici en aurions engendré de plus terribles ailleurs.
Eh bien dans notre vie c’est un peu la même chose. Tout a eu son utilité. Mais il est fréquent de réécrire le scénario pour dire que ces graines là sont moches en comparaison des autres qui sont bien plus belles. On réécrit sur le thème de ses préférences et donc de l’exclusion. Or ce qui est arrivé est arrivé. Tout est parfait, tout est beau, tout est simplement. A la limite nous ne pouvons qu’honorer tout ce qui s’y trouve après avoir réellement accepté. Et accepter c’est justement affirmer que les choses ne pouvaient être autrement que ce qu’elles ont été et donc je les accueille avec amour. Tout n’a été que le fruit de l’amour, toujours. C’est lorsque nous pensons que les choses auraient pu être autrement, auraient dû être différentes que nous ne les acceptons pas. Nous fabriquons des distances, des interprétations d’interprétations encore plus négatives pour justifier notre colère et accuser les autres d’avoir saccagé notre jardin. Qui est venu cette nuit se glisser dans mon lit pour me voler ma vie? Ainsi pense l’ignorance, le jugement, le manque d’amour. Où est le coupable?
L’acceptation est une bonne graine si nous comprenons toutes les autres semences qu’elle charrie avec elle. La semence de célébrer, de remercier, d’honorer l’autre, et aussi donc de changer ses perceptions. Et c’est là une graine incommensurable : changer sa façon de percevoir. Passer du jugement à la capacité de voir réellement. Dans une seule graine il y a des semences puissantes. Car chaque graine développe un monde de perceptions différent de celui que nous avons habituellement qui est créateur de souffrances, pour peu que nous prenions tout ce qui va avec la graine. Et non pas de penser : oui j’accepte – sans en voir toutes les conséquences – tous les effets – et tous les bienfaits.
Si nous apprenons à semer des graines dans cette conscience alors dès que nous sèmerons nous saurons que ce que nous avons semé a déjà poussé. Parfois c’est au cœur même des situations les plus orageuses et les plus difficiles que les graines ont les meilleures chances de pousser. En effet le terrain arrosé d’humidité devient fertile. Les larmes sont fertiles, les tempêtes du désespoir sont fertiles. Lancez les graines sans vous préoccuper de ce qu’elles deviendront. Les effets ne sont pas séparés de leurs causes. Ensemencez votre esprit car tout y pousse. Ayez confiance en ce que vous ne voyez pas. Qui sait pour qui vous semez réellement. Peut-être que d’autres bénéficieront de vos semences. Peut-être que quelqu’un recevra une de vos graines sans savoir que c’est vous, alors qu’il est vacillant au bord de la nuit, et reprendra confiance.
Et si quelqu’un quelque part, par la force et l’intensité de mon amour désespéré recevait la semence de mon courage? Et si tout n’était qu’intensité? Derrière le tremblement des pluies se lève un magnifique arc-en-ciel, et ce, immédiatement. C’est la vision des tantras – peu importe l’émotion mais plus elle est vive et intense en son point de semence et plus ce qui se lève derrière a la puissance de l’éveil. Restez dans l’intensité d’une colère sans étiquette et vous verrez la clarté pointer presque en concomitance.
Bon dimanche, au jardin peut-être, si vous avez cette chance, d’en avoir un, et de toutes façons rendez-vous dans celui de votre esprit jamais séparé de tous les jardins qui s’enchantent mutuellement.
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