
Nous pouvons nous rendre compte que les émotions s’éprouvent par leurs effets quotidiens, effets dont nous prenons acte par le fait que nous ne décidons pas de vivre des émotions mais qu’elles sont en général déjà là, à nous tourner autour. Nous pouvons nous lever le matin avec le corps qui tangue et la sensation de tempête sous un crâne. Rien d’anormal, ce sont les effets secondaires de l’existence. Parfois la traversée est ensoleillée et tout semble tranquille mais parfois vous êtes obligé d’être plus attentif à ce qui se passe pour cause de mal-aise avisé et persistant. C’est l’opportunité de regarder ce qui se passe dans le courant : nous pouvons apprendre à ressentir les sensations présentes et nous pouvons apprendre à prendre conscience des pensées qui se lèvent et nous font constater que le vent des émotions agite notre corps, affecte notre cœur et trouble notre esprit. Ce matin par exemple, peut-être que des sensations de colère, de tristesse, d’angoisse, de peur, etc. se sont levées avec vous jusque sous la douche, et des pensées baratinant avec brio un manque de confiance fondamental, d’estime de soi défaillant, et toutes sortes d’autres choses tout aussi désagréables les ont suivies de près et se sont mises à bourdonner autour de vous comme des mouches affairées sur un compost. Ce cortège qui vous a suivi jusqu’au petit-déjeuner bien repu n’est pas prêt de vous quitter de la journée. Cela vous a donné une humeur de chien comme on dit et une mini déprime en prime. La relation avec vous même commence bien, celle avec les autres ne tardera pas à suivre dans le même élan plombé. Méditer vise à se familiariser avec ces processus intérieurs, en nous aidant à constater : “voilà ce que je sens, voila ce que je pense, voilà comment le sens de mon identité se définit et prend forme”. Ce n’est pas pour rien que, dans la pratique régulière, on s’assoit pendant un temps donné, bloquant toute tentative de fuite extérieure, bien que toujours possible de l’intérieur. La paix est cette capacité à se familiariser avec l’expérience de vivre, plutôt que de subir, faute de mieux. Car tout ce que nous subissons lève en nous des forces d’opposition, de résistance, de conflit.
Tout commence par la douceur possible de l’espace qui se révèle lorsque nous cessons de le remplir de vains combats. Donner de l’espace manifeste l’espace déjà là. Dans cet espace a lieu la familiarisation avec la vision de ces processus : sensations/pensées/émotions qui s’agglutinent autour du sens d’un soi vécu dans la séparation d’une saisie douloureuse.
L’attention lucide, nue et dégagée opère une mise en abîme salutaire : sentir ce que l’on sent, voir ce que l’on voit, penser ce que l’on pense, ce qui, sans saisie, nous aide à apprécier l’espace et la direction que donne la vision : ne pas entretenir l’agitation, la reconnaître simplement comme un phénomène que nous vivons sans chercher à avoir prise ou contrôle ou maîtrise. La douceur de l’ouverture spacieuse suffit dans son intensité à orienter l’attention au bon endroit, à revenir à la respiration et à l’espace dégagé de l’instant. Parfois la mer est calme et à d’autres moments, à l’improviste le tonnerre gronde. Qui peut savoir d’où viendra la tourmente? à nous d’être prêt à y faire face.
Puissent les vents de la pratique nous pousser dans la bonne direction.
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